Les douleurs vulvaires les plus répandues après une grossesse

Jeanne Macaigne (pour Le Temps)

Jeanne Macaigne (pour Le Temps)


En général, plus une douleur ou une maladie est prise en charge tôt, plus elle peut être soignée facilement. En effet, quand une douleur s'installe, elle s’implante dans le corps, mais aussi dans la tête, ce qui la rend plus difficile à prendre en charge.

En plus, la vulve est une zone particulièrement sensible - et dotée d’un grand nombre de terminaisons nerveuses. C’est aussi une zone chargée d’émotions. La vulve, c’est la sexualité, c’est parfois la maternité, souvent une forme de tabou, un endroit dont on parle difficilement. Si la douleur s’imprime dans le cerveau, le soin complet de la douleur sera encore plus complexe - car multidimensionnel. 

Généralement, les femmes et personnes à vulve sont peu informées des douleurs qu’elles peuvent éprouver - en général, mais aussi après un accouchement ! Beaucoup de personnes découvrent, au moment où ça arrive, tous ces bouleversements de sensations dans son corps. Et si certaines douleurs peuvent être parfaitement normales, elles nécessitent quand même d’être écoutées et traitées.

C’est pourquoi aujourd’hui, nous avons décidé de vous parler de douleurs vulvaires secondaires (c'est-à-dire qui apparaissent après un événement déclencheur) - et notamment de celles les plus répandues après la grossesse

Par Amanda Greavette: http://amandagreavette.com

Par Amanda Greavette: http://amandagreavette.com

La cicatrisation d’une l’épisiotomie 

Un événement fréquent autour de la grossesse, c’est l’épisiotomie. Qu’est-ce que c’est ? Un acte chirurgical, qui consiste à ouvrir le périnée de quelques centimètres au moment de l’accouchement. Cette incision permet d’éviter une déchirure de la zone (qui pourrait être source de complications plus lourdes telles que l'incontinence anale ou urinaire) lorsque le bébé naît. Cette ouverture contrôlée par les praticien-nes de santé permettrait également un rétablissement plus rapide. 

Après la sortie du nourrisson et le placenta, le muscle et la peau du vagin sont recousus en 3 ou 4 points de sutures. La zone incisée peut être douloureuse les jours suivants. Si la vulve n’est pas sujette à infection, elle peut cicatriser totalement en trois à quatres semaines. 

Néanmoins, il n'est pas rare qu’une épisiotomie puisse sensibiliser la vulve. Elle peut être à l’origine de certaines douleurs vulvaires durant les mois qui suivent. Pour diminuer le risque de recourir à une épisiotomie, le massage régulier du périnée peut être un bon allié, avant l’accouchement, car il permet une meilleure élasticité des tissus. Puis, même après l’accouchement — et après l’épisiotomie — le massage reste un bon allié pour calmer les douleurs. 

Quand l’épisiotomie mène à des abus

L'épisiotomie, on en parle depuis quelques années, car elle peut parfois être considérée comme une violence gynécologique. En fait, elle l’est - lorsqu’elle est effectuée sans nécessité ! Et oui, certains établissements de santé (de moins en moins nombreux, car de plus en plus dénoncés !) ont recours à cette méthode alors que la situation ne présente pas de risque urgent de déchirure. La raison ? Elle permettrait de diminuer drastiquement le temps d’un accouchement. On peut donc supposer que les chambres se libèrent plus rapidement et que l'hôpital peut augmenter le nombre d’accouchements réalisés. Pourtant, l’épisiotomie n’est pas sans conséquence, et si on peut l’éviter, c’est mieux 😉! 

Un autre abus, dans la continuité de l’épisiotomie, c’est “ le point du mari”. Il consiste à recoudre le vagin après une épisiotomie d’un point de suture supplémentaire - afin qu’il soit plus serré. C’est supposé accroître le plaisir du compagnon lors des futures pénétrations 🤨 En plus d’être un comportement sexiste et non déontologique, cela peut causer des douleurs persistantes très graves pour la femme. S’ajoute aux douleurs fortes, un réel traumatisme psychologique et des conséquences dramatiques sur la vie sexuelle !

Alors, on le rappelle au cas où : 1/ le corps d’une femme n’a pas à être modelé pour le plaisir de son compagnon 2/ la pression à reprendre rapidement une vie sexuelle pour satisfaire son compagnon après l’accouchement n’a pas lieu d’être ! Dans tous les cas, prenez tout le temps qu’il vous faudra pour vous sentir à l’aise.

Si vous soupçonnez d’avoir été victime d’un “point du mari”, ou si vous pensez avoir été trop recousu (parfois sans mauvaise intention du médecin, c’est possible aussi !), il est important de prendre rendez-vous avec un·e praticien·ne de santé. Il faut remédier à ce problème le plus tôt possible - car si l’incision est cicatrisée, il sera plus difficile beaucoup plus difficile d’intervenir, et de pallier aux douleurs.

De très fréquentes déchirures

9 femmes sur 10 seraient concernées par une déchirure lors de l’accouchement. Elle est due à la forte tension qu’exerce le bébé sur le périnée. C’est très fréquent, et pas nécessairement grave.

Une déchirure est numérotée de 1 à 4 en fonction de sa gravité. Au degré 1, elle n’est que superficielle, n’affecte que la peau et peut se cicatriser d’elle-même. Au degré 4, elle s'étend au niveau du sphincter et de la muqueuse ano-rectale. Généralement, la déchirure est de degré 1 ou 2. 

Peu importe la raison, la jeune mère qui a vécu une déchirure peut avoir mal. Il ne faut surtout pas hésiter à en parler à la personne chargée de sa suite de couches. Ainsi, elle pourra lui prescrire de quoi la soulager : des antalgiques, des désinfectants spécifiques ou des coussins de positionnement (ou bouées). Et pareil : pas de pression pour reprendre une sexualité, surtout si on a des douleurs !

L’oedème vulvaire et son soin

L’oedème vulvaire, c’est une présence anormale de liquide entre les tissus de la peau et de la muqueuse au niveau de la vulve. Ce liquide, qui ne circule pas dans les vaisseaux sanguins, peut alors entrainer comme un gonflement dans la zone vulvaire. On observe que ce risque peut être accentué par l’utilisation de forceps, de ventouse ou par la réalisation de l'épisiotomie. Heureusement, l’oedème vulvaire disparaît vite — généralement, 2 ou 3 jours après l’accouchement.  

Pour soulager la douleur : 

  • un traitement anti-inflammatoire et antalgique est conseillé ;

  • la toilette doit être très douce et, lors du séchage, il faut plutôt tamponner délicatement la zone ; 

  • un massage de la zone peut soulager, et permettre de faire circuler le liquide ;

  • appliquer une poche de froid enveloppée dans un linge propre ;

  • ne pas rester debout de manière prolongée et s’allonger avec les jambes surélevées.  

La béance vulvaire

La béance vulvaire après l’accouchement est définie comme une distension des muscles superficiels du périnée. Plus simplement, elle peut être favorisée par un gros bébé ou l’utilisation de forceps - mais aussi par la pratique de l’allaitement qui fait perdurer le manque de tonus des tissus. 

La béance vulvaire se réduit avec le temps et se remet grâce à la rééducation du périnée. Il ne faut pas la négliger ! L’aspect psychologique est également à prendre en compte. En effet, il arrive qu’une personne soit persuadée d’avoir un relâchement très exagéré, après son accouchement, alors que tout est normal. La réappropriation de son corps, de son vagin et du périnée grâce à la rééducation permet aussi, dans ce cas-là, de se rendre compte que tout va bien. 

Quand les douleurs se prolongent…

Une vulvodynie peut également apparaître après un accouchement. La vulvodynie, c’est “une douleur vulvaire persistante (plus de 3 mois) sans cause identifiable”. En d’autres mots, le cerveau reçoit l’information d’une douleur alors qu’il n’y a pas de cause précise identifiée (en tout cas, ce n’est pas apparent au niveau de la vulve).

Une vulvodynie survient généralement lorsque la femme est encore jeune fille : la vulvodynie est dite primaire. Mais elle peut également être de type secondaire, c’est-à-dire apparaître à la suite d' un élément déclencheur. Ce peut être dû à un choc affectif, une dépression, une intervention chirurgicale du périnée, une infection vulvaire, la ménopause ou encore un accouchement. Bien qu’encore méconnue, de plus en plus de spécialistes se penchent sur le sujet. La vulvodynie se soigne bien dans la majorité des cas grâce à des traitements aux approches multiples : médicaments, thérapie physique et thérapie psychologique

Néanmoins, ce qui est compliqué avec la vulvodynie, c’est qu’elle peut se traduire par différents types de douleurs. Par exemple, on peut en ressentir quand on touche la zone de la vulve, ou même quand on ne la touche pas. Ça peut être douloureux seulement quand on a une relation sexuelle, ou tout le temps. La douleur peut aussi être constante, ou intermittente — et plus forte certains jours. Mais ces signes peuvent vous mettre la puce à l’oreille : sensation de brûlures, picotements, sécheresse et tiraillement, endolorissement de la vulve, tensions des muscles périnéaux.

Les femmes atteintes de vulvodynie sont également plus susceptibles d’être atteintes de douleurs articulaires ou musculaires, du syndrome de côlon irritable (troubles du fonctionnement de l'intestin). Elles peuvent aussi ressentir des douleurs en bas du ventre ou encore, avoir fréquemment envie d’uriner. 

Avoir mal n’est pas normal, dans tous les cas, Il ne faut pas hésiter à aller consulter — surtout si les douleurs se prolongent dans le temps.

Quand parler de ses douleurs vulvaires ?

Si de vives douleurs persistent 10 à 12 semaines après l’accouchement, ainsi que des sensations de brûlure ou de démangeaisons intenses : il est important d'alerter son·sa praticien·ne de santé. Bien entendu, si les douleurs s’accentuent avec le temps, il faut également aller consulter. La rééducation périnéale est aussi très importante pour que la zone reprenne une bonne tonicité. Car, oui, un accouchement entraîne des changements au niveau de la vulve, mais les désagréments tels que des fuites urinaires peuvent être évités avec un suivi sérieux et des exercices conseillés par le·la praticien·ne

L’activité sexuelle est peut être reprise, au fur et à mesure, tout en douceur. Mais surtout, il faut être à l’écoute des douleurs – et de ses envies ! Il n’y a pas de pression à avoir : le corps a traversé un évènement important et il lui faut du temps pour se remettre. 

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